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« Il a changé notre regard sur les réfugiés » Une famille d’accueil témoigne

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V. et G. ont accueillis R., un jeune garçon réfugié originaire d’Afghanistan, au sein de leur foyer. R. est arrivé seul en Belgique et a été mis en relation avec sa famille d’accueil par l’asbl Mentor Jeunes. V. et G. nous livrent ici le témoignage de leur expérience en tant que famille d’accueil d’un jeune MENA. Nous les remercions chaleureusement pour leur partage.

Etre famille d'accueil pour un jeune réfugié, ça ressemble à quoi ?

Ayant nous-mêmes trois ados à la maison et une chambre libre, nous avions envie d’ouvrir notre famille, d’accueillir quelqu’un en plus, mais nous avions certaines appréhensions: est-ce que nos enfants seront à l’aise avec cette personne qui sera tout le temps chez nous?; est-ce que ce jeune saura s’adapter à notre rythme et respecter nos habitudes?; est-ce qu’il sera autonome pour aller à l’école à vélo même sous la pluie?; est-ce qu’il s’habituera à nos repas?; est-ce que ça ira de partager la salle de bains si on est plus nombreux? Aurons-nous assez de temps à lui consacrer pour l’école et le reste ?

Mentor a cherché le profil de famille qui corresponde le mieux au jeune, et inversement. Nous avons assez vite rencontré R. et il a commencé à venir chez nous seulement les week-ends, pour avoir une « période d’essai » et pour qu’il puisse finir son année scolaire près du centre Fedasil où il était. Dès la première rencontre, il était souriant, ouvert, et parlait juste assez bien français pour qu’on puisse se comprendre. En fait, il avait étudié lui-même le français sur internet, en plus des cours qu’il recevait par Fedasil et l’école.

Un de ces premiers week-ends à la maison, il y a eu un souper mémorable où on était tous les cinq à écouter R. nous raconter, avec son français de base, et pas mal d’émotion, son parcours, son départ de chez lui, de son village dans les montagnes d’Afghanistan, à 13 ans, son périple sur les routes, camions, bateaux, trains pour arriver jusqu’ici. Jusqu’à minuit, il nous a « scotchés » tous les cinq, les enfants et nous, devant la carte du monde, à montrer son long trajet et raconter les épisodes, et à répondre à nos questions. Puis un autre jour, il nous a aidés à tondre nos 3 moutons, lui qui en avait des centaines dans son village. Et il nous a fait des petits plats de chez lui, parfumés et mijotés avec patience.

Ensuite, il est venu s’installer à la maison à temps plein, s’intégrant dans une école proche de chez nous. Ce n’était pas tous les jours facile pour lui de ne plus être avec ses amis du centre, d’être dans une maison si calme et d’avoir 2 ou 3 ans de plus que les autres dans sa classe, mais il s’est accroché pour avaler en quelques mois ce que les enfants apprennent, en Belgique, en 9 années scolaires ! Il a progressé très vite en français. Il a pu poser des questions de math, de sciences, de français à ceux de la famille qui étaient en mesure d’y répondre.

"Il y a eu, tout au long de ce séjour, la motivation incroyable de R. pour apprendre, comprendre, s'intégrer, gagner en autonomie (...)"

Et puis la vie de tous les jours: des matches FIFA avec ses frères d’accueil, des grands tours à vélo, des discussions sur la pollution, les relations sociales, les religions,… des réparations de pneus crevés, des copains qui viennent loger à la maison pendant les vacances, le camp scout où il a eu son totem, les  vacances à la mer, au Danemark, en Italie, les soupers avec la musique à fond, le sport, les jours de grande forme mais aussi des jours de stress intense pour sa famille quand les talibans ont pris Kaboul, la frustration de devoir attendre longtemps pour avoir ses papiers, l’inquiétude pour la santé de sa maman… et les grandes joies quand il a enfin obtenu le statut de réfugié, quand il a réussi son année scolaire, quand il a réussi son permis de conduire théorique. Il y a eu, tout au long de ce séjour, la motivation incroyable de R. pour apprendre, comprendre, s’intégrer, gagner en autonomie avec ses jobs d’étudiant (pizzeria, supermarchés, …) et aider sa famille malgré la distance.

On a dû apprendre à se dire mutuellement les petites choses plus délicates (quand nous exigeons qu’on porte un casque pour rouler à vélo alors que R. n’aime pas ça ; quand nous n’aimons pas qu’on laisse traîner un truc mouillé sur l’escalier en bois,…). Lorsque R. a voulu s’inscrire à des cours de boxe et participer à un tournoi, nous avons été déstabilisés, nous n’avions aucun repère, les sports pratiqués par nos enfants sont plus « classiques ». Que répondre à sa demande ? Nous lui avons demandé de s’imaginer très fort ce que ses parents lui diraient. Nous lui avons fait part de notre méconnaissance de ce sport, de nos craintes mais surtout de notre soutien dans sa décision. Il s’y est fort investi, a bien évolué, ce qui ne l’a pas empêché de se faire arranger le portrait lors du tournoi ! Il s’est baladé 2 semaines avec des lunettes de soleil pour dissimuler les hématomes. On a eu peur mais on a apprécié sa détermination, et découvert le soutien de son copain afghan qui le précédait en boxe, la présence de ses collègues de la pizzeria venus le soutenir au match. Bref, une expérience humaine forte qui vaut bien quelques coups de poing dans la figure.

R. a coupé notre indifférence à ce qui se vit loin de chez nous. L’Afghanistan n’est plus « un pays lointain ». Ce qu’on en lit nous touche, on l’associe à la vie de R. et de sa famille, on se sent concerné. R. a changé notre regard sur les réfugiés.

Avec Mentor et la tutrice, R. et nous, famille d’accueil, formons une équipe qui aborde ensemble les moments-charnières, comme, pour l’instant, l’approche de la majorité de R. C’est vraiment un plus d’avoir cette association qui est toujours là pour le jeune, pour l’écouter quand il a besoin de parler, qui comprend sa situation et qui organise des chouettes activités entre MENA pour qu’ils se créent un réseau d’amis ayant le même type de parcours. Mentor est aussi là pour les familles d’accueil. Il y a une vraie confiance qui s’installe avec eux et on se sent soutenus. 

 

V. et G.

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Si ce témoignage vous a touché, sachez que nous sommes toujours à la recherche de nouvelles familles d’accueil pour les réfugiés. Pour en savoir plus sur notre travail autour des MENA, consultez cette page : pour qui? les MENA

Prenez contact avec nous pour assister à une séance d’info et entamer le processus pour, à votre tour, devenir famille d’accueil et ainsi accompagner les jeunes exilés.

Le projet Familles d’accueil pour MENA de Mentor Jeunes existe grâce au soutien de l’agaj, de fedasil et de l’amif.